Le thème des procédures familiales envisagé sous un angle comparatif est d?une complexité extrême dans la mesure où il implique à la fois le droit substantiel de la famille et le droit procédural, eux-mêmes intimement liés aux cultures et aux particularités des différents systèmes juridiques.
A cela s?ajoute la spécificité du contentieux familial en raison de la nature propre de son objet, car l?état des personnes et les relations familiales ne revêtent pas seulement un intérêt social évident qui leur confère traditionnellement un caractère d?ordre public les soustrayant en tout ou en partie à la libre disposition des volontés. Ces relations et leurs crises ont aussi un caractère privé, humain et psychologique qui fait qu?on ne peut les traiter comme un contentieux ordinaire. En outre il s?agit moins dans ces cas de ?dire le droit? pour le passé, que de régler le mieux possible des situations de fait engageant l?avenir des individus et des familles dans l?intérêt général et particulier. Les modes de résolutions des conflits familiaux se situent donc à la croisée du privé et du public, au même titre que du droit substantiel et du droit processuel.
Or, depuis plus de trente ans, et plus particulièrement dans les pays occidentaux, une évolution rapide se manifeste à la fois par une désaffection du mariage, une revendication d?autonomie individuelle et de privatisation des relations personnelles et familiales, une fragilisation croissante des couples, mariés ou non, et des familles. Depuis les années 70 tous les États ont donc modifié leur droit substantiel de manière plus ou moins radicale en matière de mariage, divorce, filiation, autorité parentale, tant sur le plan personnel que patrimonial, et ouvert le prétoire à une explosion de conflits et à une demande de justice à laquelle les tribunaux ne parviennent plus à faire face, le contentieux familial représentant en moyenne 50 à 60% du contentieux des juridictions civiles. Il en résulte une situation paradoxale entre une demande de plus de droits et moins de Droit, plus de justice et moins de procédure, plus de liberté et plus de protection, et une tension dans les choix politiques à adopter.
Le droit judiciaire, en tant qu?auxiliaire du droit substantiel et serviteur de la justice est ici directement concerné et appelé non seulement à s?adapter à un contentieux différent de tous les autres, mais aussi à en atténuer si possible les effets négatifs et destructeurs. Mais ses structures traditionnelles sont plus lourdes et plus lentes à mouvoir que le droit du fond en raison de l?accumulation des strates législatives ou réglementaires relatives à l?organisation judiciaire et aux règles de compétence et de procédure, à l?insuffisance de moyens humains et matériels disponibles. Au risque d?aboutir à la désaffection de la justice et à la tentation de ?déjudiciarisation? des conflits familiaux au profit de leur ?privatisation? et de leur ?contractualisation?, sans autre forme de protection des parties les plus faibles.
European Review of Private Law